Cette nuit j’y étais. Présent sur la piste et présente dans les yeux des gens. Chacun de mes mouvements me rendait plus grand, plus puissant, plus fabuleuse. Mon corps se tordait au moindre beat tandis que mes mains rythmaient ma danse avec grâce et violence à la fois. Je me nourrissais de chaque regard posé sur moi, comme un mets qui me rend immortelle. Ce sentiment peut durer une heure, une nuit ou bien jusqu’à l’aube pour s’estomper progressivement et devenir une illusion douce et acide à la fois. La lumière stroboscopique ne cesse de jaillir dans mon esprit et scande ma perception du temps. J’ai une vague idée de ce qui m’entoure, mais je sens que c’est grand et imposant et que je me sens comme une petite merde inutile. Enfin, c’est ce que les passants me disent en me regardant. Je n’ai pas besoin de les affronter dans les yeux pour le comprendre, je le sais, c’est tout. Les immeubles eux aussi me dévisagent, mais je ne sais jamais si c’est avec amour ou dégoût. Moi je les aime malgré leurs airs hostiles et autoritaires car je sais qu’ils ont une faille.
Avril 2019
C’est toujours le même refrain, il est 6h du mat’ et tu te mets à zoner dans tous les recoins du hangar en attendant que le jour se lève tel un esclave du soleil. Enfin tu penses que tu vas le voir, mais au final tu seras toujours coincé dans le tunnel, tu sais celui que tu as emprunté après minuit dans les toilettes du club. Vous étiez tous les trois, deux positionnés dans un angle et le dernier assis sur le couvercle des chiottes, telles les 3 fées de la Belle au Bois Dormant lorsqu’elles se cachent dans la boîte à bijoux matelassée d’un velours bleu apaisant et rassurant. La lumière est blafarde comme vos visages, les murs sont moites comme vos narines et le sol est collant comme l’intérieur de votre bouche. Vos regards complices et sourires charmeurs s’entrecroisent, vous n’avez jamais été aussi proches et intimes.
Janvier 2020